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Thione Ballago Seck tire sa révérence.

 

Né le 12 Mars 1955 à Dakar, Thione Ballago Seck fut chanteur et parolier sénégalais.  Issu d’une famille de griots wolof, il fut dès son plus jeune âge, mu de la fougue des grands griots, ainsi passant de cérémonies en cérémonies, il évolua comme chanteur et percussionniste de choix. Il devient par la suite membre du groupe Dakarois Star Band et intègre ultérieurement le grand orchestre Orchestra Baobab. Grand ambitieux et assoiffé de culture, il forme en 1984 le duo traditionnel Raam Daam avec son cousin. Duo qui aux cotés de Félix Anagonou son tourneur, nous livre parmi tant d’autres merveilles, Le pouvoir d’un cœur pur en 1987, l’album Dieulleul en 1988, puis en 1996 aux côtés du producteur Ibrahima Sylla trois albums dont  Orientissime.

Grand, sans nul doute certes, mais aussi humain que l’homme puisse l’être, en mai 2015, alors âgé de 60 ans, le grand chanteur est placé sous mandat de dépôt avec Alaje Djité un de ses proches après leur inculpation, par le juge de la deuxième chambre du tribunal de Dakar suite à plusieurs chefs d’accusation dont; le délit de blanchiment d’argent, tentative d’escroquerie, altération de signes monétaires ayants cours légales à l’étranger. Le pactole ? 50 millions de dollars. Ce fut pour l’artiste, comme l’aiment à le dire certains esprits trop fatalistes, l’effondrement d’un mythe. Ses compositions étaient enchanteresses, ses paroles éducatives, alors comment ? Disaient-on pouvait il tremper dans cela ? Patience, la réponse nous serait surement donnée par Dame justice. Après plusieurs mois de détentions préventives, il bénéficie d’une libération provisoire en 2016 et son procès ne sera ouvert alors que 4 années après son arrestation, soit le 9 Mai 2019 après moult tiraillements avec la défense, aboutissant tout de même à l’abandon des poursuites en rapport au faux monnayage. Le 15 juin 2020, après l’annulation en première instance de la procédure judiciaire contre lui, au motif, pour le tribunal correctionnel, qu’il n’avait pas été prévenu de son droit à l’assistance d’un conseil dès son interpellation,  le juge d’appel autorise l’ouverture des scellés réclamée par les avocats de la défense. De cette ouverture, sortirent des papiers verts rectangulaires de la taille de billets de banque mais vierges d’impression et inaptes à être utilisés pour la fabrication des fameux billets. Le procès est alors taxé par ses avocats de mascarade orchestré dans le seul but d’atteindre l’artiste. Cependant au vu de toutes les démarches téléphoniques et physiques effectuées par l’artiste et ses présumés complices, les avocats de la BCEAO, qui se sont constitués partie civile demeurent convaincus de l’existence d’une association de malfaiteurs entre ces derniers et réclament une condamnation. Au 22 juin 2020, le verdict fut limpide, la cour d’appel de Dakar condamna Thione Seck à trois ans de prison dont huit mois ferme.

THIONE POUR LE SENEGAL

L’humain est pétri de défauts et c’est sans nulle doute dans ses défauts qu’il demeure humain, sans prétendre à la perfection, ce grand homme que fut Thione Ballago Seck a ravi le cœur de tous les sénégalais, que nous soyons familiers de sa musique ou fan d’une seule journée. Amoureux incontestable de son pays, de sa culture, il avait à cœur la transmission des gratuités que le bon Dieu a bien voulu lui accorder. Son talent n’était pas juste à lui, ni uniquement au Sénégal ; son talent était mondial et il le partageait volontiers. En témoigne d’ailleurs son projet CEDEAO à travers lequel il couvait le désir de montrer que le mbalax (style musical sénégalais) est exportable aussi bien dans chaque partie de l’Afrique que dans le reste du monde. Ce travail d’ouverture  couvrait en parallèle l’envie d’intégrer les jeunes talents qui rêvent d’une musique nouvelle et d’une musique utile, l’envie de mettre en avant un Sénégal uni dans son homogénéité, peuplé de différences agréables quand on se donne la peine d’aller les uns vers les autres, l’envie de cultiver la paix telle qu’était sa mission au sein de l’UNESCO en tant qu’ambassadeur de la paix.

Et tel un voleur des plus silencieux, la mort en ce 14 mars 2021 a frappé, des suites d’une courte maladie dit-on. Elle aime surprendre sournoisement, se délectant de notre chagrin. Le chagrin est bien là, nous saurons l’altérer pour humains que nous sommes, mais il demeurera indéfiniment. Ce chagrin d’avoir perdu une figure, un repère de notre culture, un recueil de mots, de conseils, de motivations, de piété, un homme dont le verbe a su nous construire le miroir de nos identités.

Que Dieu dans sa Miséricorde lui accorde le repos sans fin. Adieu l'artiste.