ON NE DEVIENT PAS PASTEUR PAR SOI-MÊME OU POUR SOI
« Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance ».
En ce quatrième dimanche du temps de Pâques, nous rompons avec le cycle des théophanies du ressuscité (apparitions) pour nous retrouver au cœur de l’Evangile de Saint- Jean (Jean 10) où Jésus, en plein ministère donne à ses disciples, un enseignement sur son identité.
C’est un véritable message d’Amour qui se dégage dans tout ce corpus de l’Evangile de Jean. Le chapitre 10 appelé celui du « Bon Pasteur » fait suite à des événements importants durant lesquels , Jésus a bravé l’hostilité de ses adversaires : d’abord sur son origine ( ch. 7 ) ensuite, en sauvant la femme accusée d’adultère ( ch. 8 ) , enfin la guérison de l’aveugle-né ( ch. 9 ). Dans tous ces épisodes, la personne de Jésus ainsi que sa liberté d’action se désolidarisent de celles des pharisiens et des scribes pour se proposer comme chemin de liberté et de vie.
Finalement, en face de dirigeants au cœur endurci, qui piétinent leur peuple, Jésus se propose à travers la figure de la porte et du Bon Pasteur comme celui qui vient apporter la vie à ce troupeau laissé à lui-même. Ce langage pastoral est bien propre à ces gens de culture orientale nomade ou semi-nomade dont l’une des activités principales est l’élevage. Cependant, il est important de bien cerner le lien entre l’éleveur et son troupeau pour mieux comprendre le message de Jésus et surtout la nouveauté qu’il apporte dans ce rapport entre Berger et Troupeau.
En vérité, il existe un lien profond entre le berger et son troupeau. De manière empirique ce rapport est plutôt celui d’une dépendance et d’un profit que le berger tire de son troupeau. Il en prend soin certes, il le protège non pas pour ce qu’il est en lui-même mais pour ce qu’il peut lui apporter : son lait, sa viande, sa laine et l’argent qu’il peut en tirer lors des négoces. Voilà fondamentalement ce qui fait le lien entre le berger et ses brebis. Ce type de berger est comparé par Jésus à la figure du voleur et du mercenaire qui ne vient que pour voler, égorger et faire périr.
S’attaquant aux puissants du peuple qui foulent aux pieds toutes les lois, il les assimile à ces bergers mercenaires sans scrupules : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans l’enclos des brebis, mais qui escalade par une autre voie, celui-là est un voleur et un brigand. »
La nouveauté qu’il veut apporter pour la restauration d’une société plus juste et plus fraternelle, c’est que ceux qui président aux destinées du peuple ne doivent pas s’affirmer en tyran mais plutôt en serviteurs capables de mener leur peuple sur le chemin de la promotion de la dignité humaine.
« Celui qui entre par la porte est le pasteur des brebis. Le portier lui ouvre et les brebis écoutent sa voix, et ses brebis à lui, il les appelle une par une et les mène dehors ».
Il ne s’agit plus d’une relation de dépendance et de profit mais au contraire, il s’agit de la part du pasteur, de construire une relation d’Amour. Jésus, dans cet enseignement fait découvrir son identité que confirme cette parole : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. »
Il n’est pas simplement le pasteur, mais aussi il est la porte des brebis. Une lecture post-pascale de cette page d’Evangile de Saint-Jean nous révèle de manière éloquente la profondeur du message du Christ. Sa vie, son ministère, sa Passion, sa mort et sa résurrection sont tous orientés vers la promotion de la vie de l’homme. Ce n’est plus le berger qui se nourrit du lait ou de la viande de ses brebis ; désormais c’est le berger qui donne sa vie pour sauver ses brebis.
Le mystère pascal du Christ est l’expression de cet amour sans mesure (une folie de Dieu) pour le Salut du genre humain. N’est ce pas une Bonne Nouvelle, Dieu qui se fait fragile pour rendre l’homme fort de sa propre vie. Ce Salut offert par le Christ traverse toute la prédication des apôtres. Pierre, poursuivant l’annonce du kérygme au jour de la Pentecôte, déclare avec solennité : « Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et le Christ, ce Jésus que vous avez crucifié. »
Une annonce qui ne reste pas sans effet puisque ses auditeurs, touchés au plus profond d’eux-mêmes veulent adhérer au Christ-Sauveur : « Frères, que devons-nous faire ? ».Pierre leur propose la conversion et le Baptême pour accueillir l’Esprit-Saint, don de Dieu qui renouvelle et affermit l’attachement de chacun à la foi en Jésus ressuscité.
Mais cette adhésion au Christ n’est pas sans difficultés. L’apôtre Pierre nous le rappelle dans la deuxième lecture. S’adressant aux communautés de l’époque, éprouvées par la persécution, il les appelle à puiser leurs forces en Jésus, modèle de tout persécuté. Lui qui n’a pas péché, a porté les péchés de tous les hommes afin de nous obtenir le Salut. Notre chemin de chrétien, c’est aussi accueillir dans notre chair les blessures de notre temps, forme de participation aux souffrances du Christ pour guérir en lui qui est le véritable berger de nos âmes.
Ce 4ème dimanche de Pâques est aussi dédié à la prière pour les vocations.
Lorsque nous parlons de vocation, nous pensons à la vie sacerdotale et religieuse. Des vocations dont l’Eglise aujourd’hui a besoin pour continuer l’œuvre d’annonce de la Bonne Nouvelle et de Sanctification des âmes.
C’est une occasion offerte pour prier en faveur de ces nombreuses âmes qui se sont offertes au service de l’Evangile à travers le ministère ordonné et ou la profession des conseils évangéliques.
C’est aussi un moment favorable pour nous rappeler (évêques, prêtres et diacres) l’origine et le sens de la mission de Pasteur. On ne devient pas pasteur par soi-même ou pour soi. On est pasteur en vertu de l’appel du Christ pasteur par excellence et modèle de notre vie et de notre apostolat. On est pasteur pour le Peuple de Dieu afin d’assurer en permanence les mystères de sa relation avec le Seigneur. On est pasteur pour travailler dans la vigne du Seigneur et pour le Seigneur. (et non en dehors) pour éviter toute errance qui peut transformer en mercenaire.
La vocation, au delà des ministères de service, est propre à tous les baptisés. En effet, par notre Baptême, nous avons été appelés à une vie nouvelle dans le Christ Jésus. Une vie à laquelle, chacun selon ses charismes, est appelé à participer pour la construction de l’édifice commun : l’Eglise.
De nos jours, nous entendons parler des crises des vocations. Ce qui est certainement vrai quand on constate aujourd’hui le manque criard de prêtres, de consacrés(es) de mariés, de volontaires dans nos communautés ecclésiales. Mais il serait important de saisir le sens des la vocation pour tirer tous les défis liés à cette crise.
Si l’on considère que la vocation comme la foi entre autre est un don de Dieu, parler de sa crise pose problème puisque pour nous chrétiens qui expérimentons au quotidien les signes de la présence de Dieu dans notre vie, nous ne pourrions accepter que Dieu soit en crise de don.
Par contre si la vocation est une réponse à cet appel (don) de Dieu, nous pouvons entrevoir une crise puisque de jour en jour, l’homme s’emmure dans ses certitudes, étouffant tout dialogue avec Dieu.
La crise des vocations se situe au niveau humain c'est-à-dire de la réponse de l'homme; elle est donc un problème surtout sociétal, sociologique qui touche malheureusement la vie spirituelle dès lors que les valeurs chrétiennes de plus en plus perdent leur place au profit d’autres formes de libertés pas forcement humanisantes.
C’est alors aujourd’hui un moment favorable pour prier en faveur de notre vocation commune de baptisés afin de travailler à notre sanctification commune dans une vie chrétienne plus authentique et sincère. Re-découvrir combien il est important de restaurer le dialogue entre l'humain et Dieu pour donner un véritable sens à notre vie
Prions pour que de nos familles naissent de nouvelles réponses aux appels de Dieu à la vie sacerdotale, religieuse et laïque pour le bien de tout le corps du Christ. Pour la Gloire de Dieu et le Salut du monde.
P Ferdinand SAMBOU
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