MYSTÈRE DE LA TRINITÉ, MYSTÈRE D’AMOUR.
Plongé dans le silence avec l’Église universelle auprès du tombeau de notre Seigneur, ce samedi saint, comme tout chrétien, nous nous réveillons et nous mettons à l’évidence que le Christ a été crucifié. Jésus, notre ami, est mort sur la croix pour nous sauver. Nous contemplons, dans ce silence, cet ami fidèle mort sur la croix, le Fils de Dieu, Messie crucifié, « scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes » (1 Co 1, 23). Dans cette contemplation, des questions nous habitent : Quel est cet ami qui fait don de sa vie sur la croix pour le salut des hommes ? Pourquoi l’a-t-il fait ? Quel est le fondement de son don ? Une seule réponse s’est donnée à nous l’AMOUR. Tout est question d’AMOUR : Dieu est AMOUR ; et nous sommes créés, nous avons reçu la promesse et nous avons été sauvés, tout cela dans et par AMOUR.
Et, étant donné que « la fin ultime de toute l’économie divine, c’est l’entrée des créatures dans l’unité parfaite de la bienheureuse Trinité (Jn 17, 21-23) » (Catéchisme de l’Église Catholique 260), nous nous invitons à redécouvrir le mystère central de notre foi et de notre vie chrétienne : le mystère de la Trinité, mystère d’AMOUR. « Le plus grand de tous les mystères, la source et le fondement de tous les autres », lisons-nous sous la plume de Léon XIII dans Divinum illud munus de 1887.
De la Trinité, coeur de la foi et de la vie chrétienne. Principe de tout discours théologique, Dieu nous est intelligible en sa spécificité de Trinité, portant en soi à l’intelligibilité de la foi chrétienne en un Dieu Un et Trine : Père, Fils et Esprit. Ce Dieu dont l’unité et la triadicité que s’efforce de déduire la « raison » théol., demeure le fondement et l’objet de la foi chrétienne. En écho à saint Thomas d’Aquin, le Catéchisme de l’Église Catholique 34 nous signifie que « Le monde et l’homme attestent qu’ils n’ont en eux-mêmes ni leur principe premier ni leur fin ultime, mais participent à l’Être en soi, sans origine et sans fin. Ainsi, par ces diverses " voies ", l’homme peut accéder à la connaissance de l’existence d’une réalité qui est la cause première et la fin ultime de tout, " et que tous appellent Dieu " (S. Thomas d’A., s. th. 1, 2, 3) ».
Ainsi, la Trinité reste le coeur de la foi chrétienne, l’objet de la foi, de l’espérance et de la charité, selon G. Emery. Cependant, l’affirmation d’un Dieu Trinité parait paradoxale pour le judaïsme et l’islam, la supposant comme une régression polythéiste, remarque B. Sesboüé. Et, toujours d’après ce dernier, loin de contredire le monothéisme, la Trinité en révèle la profondeur, l’essence. Car, Dieu Un et Trine demeure à la fois Un selon le nombre (unique substance en Dieu) et Trine selon la structure de trois personnes distinctes, non confondues et inséparables. « […] La Trinité est un mystère de trois personnes distinctes qui sont cependant Un et dans la distinction se font Un et se portent vers l’Un » (Giorgio Mazzanti).
À en croire Jacques Maritain, la Trinité n’est pas, cependant, un problème à résoudre mais un mystère à découvrir : l’expérience de Dieu à faire. La Trinité est l’expérimentation suprême de l’expérience que l’homme fait de l’amour.
De la Trinité, un mystère d’AMOUR. L’être et l’être-là du Fils et de l’Esprit est de l’ordre de l’être et de l’agir l’AMOUR, Dieu le Père qui, de toute éternité, engendre le Fils dans l’Esprit.
Et puisque Dieu est AMOUR (1 Jn 4, 8.16) qui vient de Lui (1 Jn 4, 7), l’AMOUR est donc Dieu de Dieu. Voilà pourquoi, AMOUR dans l’AMOUR, les trois personnes de la Trinité sont liées par : génération/paternité (Dieu Père : Principe sans principe), filiation (Dieu Fils : Principe de Principe) et spiration/procession/Amour (Dieu Esprit : Principé).
Le Dieu de la foi chrétienne est un mystère d’AMOUR où « aimer trouve sa source et sa consistance en un geste fondamental, une origine sans origine, en deçà de laquelle rien existe, un geste qui est à la fois générosité foncière, excès et relation débordante mais dans la sortie de soi, le dessaisissement de soi » (Fr. Bousquet, La Trinité). Il y a une périchorèse, une circumincession (immanence) dans la condescendance à l’infinie. Extase, kénose et synthèse, cette relation d’Amour explique bien l’unité dans la diversité dont le principe reste l’Esprit, Amour personnel et Don entre le Père et Fils.
Par « ses deux mains », Dieu Père crée l’homme auquel s’ouvre l’amour intra-trinitaire, faisant ainsi de lui un être tendu ontologiquement et historiquement vers Dieu et vers l’autre. C’est la dimension théologale de son être relationnel qui implique l’amour dont la « propriété [est] d’unir ce qui est différent. L’amour signifie union et communion avec l’autre reconnu dans son altérité et la réconciliation dans la permanence de la dualité » (Kasper, Jésus le Christ). Don et gratuité, la personne humaine est à comprendre à lumière de celle divine, supra personne, puisque « le personnalisme humain a pour source la considération du personnalisme divin » (Sesboüé). De là, naît une vision personnaliste compétitive (cf. les grands conciles oecuméniques) qui a mené à la notion de dignité de la personne humaine (époque contemporaine) ; nonobstant la distorsion égocentrique née de la « dérive individualiste ». L’homme est « un être en communion avec les autres » dans l’Amour, communion dans laquelle il s’origine et se réalise.
De l’Église de la Trinité. De l’alliance personnelle et historique entre Dieu et l’homme est née l’Église de Dieu, comme médiation historico-temporelle du salut, voulue par le Père (Lumen Gentium 2) pour l’humanité, réalisée par le Christ (Lumen Gentium 3) et dans l’Esprit (Lumen Gentium 4). D’ailleurs, la Trinité reste le fondement et le modèle de l’Église de son origine (Ecclesia de Trinitate), dans son déploiement historique (Ecclesia in Trinitate) et dans son accomplissement eschatologique (Ecclesia in Trinitatem). A cet effet, le mystère de l’Église demeure mystère d’AMOUR.
Principe absolu de toute réalité, Dieu le Père est le fondement (Dieu) et le fondateur (Père) de l’Église (sacrement, i.e. signe et instrument) son Peuple, qui tire « son origine de la mission du Fils et de la mission de l’Esprit » (Ad Gentes 2) telle que voulue par lui. Ainsi l’Église est-elle la propriété du Père dans un sens trinitaire. Et, issue de l’incarnation du Verbe de Dieu, l’Eglise, – Corps du Christ (cf. Catéchisme de l’Église Catholique 789) –, à Jésus comme fondement (Fils de Dieu) et fondateur (Fils de l’Homme in histoire) dans le mystère de son incarnation et dans son mystère pascal. Elle « est née de la décision libre de Jésus Christ », comme nous le décrit la Commission Théologique Internationale. Aussi, naît de l’Esprit, la trinitologie de l’origine de l’Église s’achève entièrement dans la présence et l’action de l’Esprit (cf. Lumen Gentium 4). De fait, l’Esprit reste fondement et co-fondateur ou co-instituant de l’Église, Temple de l’Esprit (cf. 1 Co 6, 19 ; 2 Co 6, 15).
Tout bien considéré, force est d’admettre que, à la suite d’Emery, « la foi trinitaire est essentiellement ecclésiale. La Trinité est source de l’Eglise dont l’unité participe de la communion du Père, du Fils et de l’Esprit ». D’où l’Église, née de la Trinité, est destinée à elle.
Pour conclure, rappelons-le, « la fin ultime de toute l’économie divine, c’est l’entrée des créatures dans l’unité parfaite de la bienheureuse Trinité (Jn 17, 21-23) » (Catéchisme de l’Église Catholique 260). Ainsi, Dieu qui est AMOUR nous a créés par AMOUR afin que rachetés par AMOUR, nous entrions et demeurions dans l’AMOUR qui est Dieu (1 Jn 4, 8.16) et vient de Lui (1 Jn 4, 7). Telle a toujours été la destinée et la dignité de l’homme et de la femme, créés à l’image et à la ressemblance à Dieu (cf. Gn 1, 26-27).
Dès lors, la croix au milieu de ce mystère d’AMOUR paraît et demeure une belle et significative expression d’AMOUR. D’ailleurs, le Seigneur lui-même affirma-t-il qu’« il n’y a de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13). Rappelons-nous ses propos aux apôtres : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20, 28).
Nous ne saurons finir nos propos sans porter nos voeux de Pâques : la Vie, l’Espérance, la Joie. « Moi, dit le Seigneur, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). Que le Ressuscité de Pâques nous accorde la Vie, une vie renouvelée et enracinée en Lui. « Il vit, le Christ, notre espérance et il est la plus belle jeunesse de ce monde. Tout ce qu’il touche devient jeune, devient nouveau, se remplit de vie », s’exclama avec ardeur le Pape François (Christus Vivit 1). Que le Ressuscité de Pâques, le Vivant, nous donne de ne point désespérer en ces temps où sévit la pandémie du COVID19, et de fonder en Lui seul notre espérance pour un monde plus humain et plus solidaire. « Ils sont finis, les jours de la Passion, suivez maintenant les pas du Ressuscité ; suivez-le désormais jusqu’à son royaume où vous posséderez enfin la joie parfaite » (Bénédiction solennelle de Pâque dans le Missel Romain). Que le Ressuscité de Pâques nous accorde sa joie, la joie de l’Église, la joie du Peuple des fils de Dieu, dans l’attente de prendre part à la joie parfaite et éternelle auprès de Lui.
JOYEUSE PAQUES A TOUS !!!
Peter Kabo
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