« Mais comment pourrait-on comprendre si personne ne nous guide ? »
Chers frères et sœurs dans la foi, les textes de la liturgie de ce 3ème dimanche de Pâques se font encore plus brûlants dans leur optique de nous dévoiler le grand mystère de ce temps que nous vivons.
Le célèbre récit des disciples d’Emmaüs qui s’affiche à la page de l’Evangile, accroche facilement le lecteur par le style narratif qui s’y dégage, où le déroulement descriptif aiguise l’appétit vers son dénouement. Du côté théologique, se trouve aussi un trésor inépuisable. Du coup, la longueur de cet extrait, si attrayant, veut nous dire l’exigence de ce long parcours du croyant dans la voie de la sainteté.
Au lendemain de sa résurrection d’entre les morts, le Seigneur continue de nous rejoindre sur nos chemins au quotidien et sur nos sentiers sinueux. Il est notre compagnon de voyage quelle que soit la lourdeur de la marche. Il surgit de manière surprenante surtout lorsque nous espérions vivre loin de sa face. Il se rend présent pour que nous puissions le reconnaitre. Voilà la réalité qui remplit ce passage lorsque le Seigneur Jésus rattrapait les disciples qui montaient vers Emmaüs.
Il faut rappeler le détail du cadre géographique du village d’Emmaüs non localisé avec certitude. Celle-ci donne au Pape Benoit XVI d’aboutir à cette analyse : « Emmaüs représente en réalité chaque lieu : le chemin qui y conduit est le chemin de chaque chrétien, bien plus encore, de chaque homme ».
Chers croyants, ce qui peut attirer l’attention dans ce récit est bel et bien l’appel au sursaut de la foi ; cette foi que nous pensions tous comprendre une fois pour toutes à travers nos différentes catéchèses reçues çà et là, aux différentes étapes franchies dans la vie sacramentelle ecclésiale, aux nombreuses lectures et conférences suivies et aux nombreuses expériences vécues. Mais, le mystère de la mort et de la résurrection du Christ vient toujours bouleverser la vision pré-pascale de la foi comme il en est pour ces disciples assombris. C’est pourquoi, partant de ce point fondamental, berceau de la foi chrétienne qui est la résurrection, il nous est demandé d’ouvrir nos yeux à l’intelligence des Ecritures. « Mais comment pourrait-on comprendre si personne ne nous guide ? » (Cf. Ac 8, 31). En rejoignant l’inquiétude de l’eunuque éthiopien, nous comprenons que la vraie foi a besoin d’une pédagogie, d’un itinéraire où pourra scintiller la proclamation de la bonne nouvelle de l’Ecriture. C’est la longue démarche entreprise par l’apôtre Pierre dans la première lecture de ce jour, où le souci repose sur l’annonce du kérygme à clamer à haute voix à tous les hommes d’Israël. Saint Paul nous en convainc dans sa lettre aux Romains lorsqu’il affirme que « la foi naît de ce que l’on entend dire et ce que l’on entend dire vient de la parole du Christ. » (Rm 10, 17).
Chers croyants, le pédagogue authentique de notre foi est le Christ, lui qui rejoint aujourd’hui les disciples d’Emmaüs. Il nous renvoie à la vérité de la loi et à l’annonce des prophètes que lui-même accomplit en sa personne. Il est le Verbe de Dieu annoncé et qui s’annonce. Il est lui-même le chemin sur lequel nous foulons nos pas. Il est en même temps, dans l’Esprit Saint, l’énergie qui nous fait carburer dans l’endurance et la persévérance. Il est enfin le point d’arrivée où nous attend un repas communiel avec lui. C’est cette table eucharistique qui a couronné l’itinéraire de cette marche vers Emmaüs. Et quelque chose d’inédit s’y passe. C’est bien-sûr la présence en Dieu, avec Dieu, et pour Dieu. C’est le lieu privilégié de la reconnaissance. C’est aussi le lieu du dévoilement total de l’amour.
Qu’est-ce que la reconnaissance ? C’est par moment, une exigence de rétroactivité où l’homme est appelé à ré-estimer ou mieux à surestimer ce qui passait inaperçu à ses yeux. C’est une action de grâce devant l’héritage inouï de la vie marquante d’un proche. Celle-ci est l’expérience des disciples d’Emmaüs qui reconnaissent leur Maître qui disparaît soudainement à leurs yeux. Nous en faisons l’expérience lorsque nous nous rendons compte de la vraie valeur d’un proche après sa mort. Même si nous ne voyons pas le Seigneur Jésus, nous le voyons, le touchons à travers l’hostie et où il s’actualise dans une présence réelle. Nous en faisons le mémorial vivant, sûr qu’il est n’est jamais l’étranger de nos assemblées mais l’hôte le plus intérieur.
En vérité, amis croyants, il est grand le mystère eucharistique. Nous l’expérimentons sans en épuiser la grandeur. Et dans ce récit, ressort la structure principale de la messe avec la présence des deux tables : la liturgie de la parole et la liturgie eucharistique. Tout se joue là ! Dans cette fraction du pain, nous avons le signe de notre appartenance au Christ. C’est le signe reconnu à tout chrétien à travers cette croix que nous avons tendance à porter autour de notre coup. C’est le lieu de la rencontre entre l’homme et Dieu. C’est aussi le rendez-vous du sang versé. C’est le précieux sang dont témoigne l’apôtre Pierre, plus valeureux que ces éléments corruptibles de l’or et de l’argent.
Dans ce monde où l’éphémère et le corruptible gagnent de plus en plus du terrain, nous avons dans ce récit une prière adaptée à notre temps : « Reste avec nous Seigneur, car le soir approche et déjà le jour baisse » (Lc 24, 29). Nous faisons l’expérience de cette baisse de jour en jour, puisque l’homme évacue Dieu de la sphère terrestre : baisse de la foi, baisse des valeurs morales, baisse du respect de la nature, etc. En ce temps crucial où tout semble baisser dans le cours normal des activités de l’homme, demandons à l’Omniprésent, de rester avec nous. Qu’il soit la lumière qui brille au fond des lieux obscurs de nos cœurs et de nos vies ; Lui à qui appartient le temps et l’Eternité pour les siècles des siècles AMEN !
A.Y. F.D
Commentaires