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COVID19 - REGARD FURTIF - SUR LE LOYER AU SENEGAL

« Pour une assistance au Locataire Sénégalais durant cette crise pandémique »

Lorsque les flux financiers ainsi que le trafic de biens et de services sont filtrés au niveau des frontières d’Etat, il se crée un ralentissement de la production. Et lorsque l’urgence sanitaire s’exprime, le commerce s’étouffe. Justement parce qu’il n’y aurait plus d’entrée et sortie de produits de matières premières. Enfin, lorsque la consommation se limite aux ressources sanitaires et alimentaires, c’est que le Covid-19 a fini de nous aveugler sur « des priorités secondaires » s’il n’y est point jeté un regard furtif. C’est sûr que le Président, très concentré sur le cycle de la pandémie, n’est pas moins regardant sur la question du « LOYER » et du loyer, surtout, en milieu urbain.

En effet, la question est sur toutes les lèvres; elle est murmurée, partout ; elle s’exprime, mais timidement.

L’image est claire, le petit commerce est étouffé pour prévenir le Covid-19 (Déguerpissement du marché Sandaga et de quelques autres marchés des villes et régions par des Arrêtés de l’Autorité administrative locale).

Il est évident que c’est ce petit commerce qui assure l’épargne minimale ainsi que la dépense quotidienne au Sénégal. Non sans oublier qu’il assure le « Loyer mensuel ».

Par conséquent, il n’est point besoin d’avoir un QI élevé pour comprendre que la fracture de ce petit commerce aura son influence sur le paiement des loyers à venir.

Si l’on convient sur le fait que l’absence de Production n’entraine pas automatiquement l’arrêt de la Consommation qui est un besoin vital, alors on s’accordera sur le fait que si la « petite épargne » prend en charge les besoins sanitaires et alimentaires en ces temps, il arrivera un autre temps que ladite « épargne » ne puisse plus assurer le paiement normal du loyer. Il sera considéré comme une nécessité secondaire. C’est « l’instinct de survie ». Il explique l’aménagement, mieux, la rationalisation des dépenses familiales. 

Quid du bailleur qui en a fait sa principale source de revenu ?

Bonjour le contentieux des Baux !!!!!

Cette lecture, selon nous, en appelle à trois idées qui permettraient de parer à tout contentieux, tout en poursuivant ensemble la guerre sanitaire contre le Covid-19.  

 Ø  NEGOCIATION BAILLEURS-PRENEURS

Les contrats relatifs aux baux à usage d’habitation et ou professionnel sont révisables.

Le bailleur et le preneur peuvent s’entendre sur plusieurs terrains :

- Sur un différé des loyers pendant le Covid-19.

- Sur un paiement partiel du montant mensuel durant cette période.

- Sur une exonération d’un ou de deux mois.

- Etc…

Le COCC du Sénégal admet une divisibilité du paiement par exception, à l’issue d’une convention des parties, Article 175 : « Indivisibilité du Paiement ».

L’article 176 : « Imputation des paiements par le débiteur », pourrait être applicable à un contrat tel que le Bail sur accord des parties.

L’AUDCG dispose en son article 116 : « Les parties fixent librement le montant du loyer, (…).

Le loyer est révisable dans les conditions fixées par les parties (…) ».

Toutes ces dispositions incitatives militent en faveur d’un traitement amiable. Le contexte de la Pandémie du Covid-19 est propice pour s’approprier ces lois.

Ø  SAISINE DU TRIBUNAL EN CAS DE DESACCORD

*EN CE QUI CONCERNE LE BAIL PROFESSIONNEL

L'article 39 de l'Acte Uniforme sur les Voies d'Exécution (AUPSRVE) permet au juge saisi, en cas de désaccord entre les parties, d'accorder des délais de paiements en considération des difficultés du débiteur, de l'équilibre des obligations. Le Covid-19 et ses conséquences pourraient constituer un motif.

L’article 117 vient appuyer 116 et permet à la juridiction statuant à bref délai saisie par la partie la plus diligente, de fixer un nouveau montant du loyer.

Dans ce registre, il pourrait être permis de penser que le juge pourrait statuer tout en s‘inspirant des conditions fixées en amont, et dans lesquelles les parties souhaiteraient la révision. Il est clair qu’à ce niveau le législateur Ohada a simplement dressé une liste d’éléments non, exhaustive. Le juge excipera de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation ; et l’impact du Covid-19 sur l’économie nationale pourrait être un élément déterminant. Toutefois, cela ne reste qu'un sujet à reflexion.

 *EN CE QUI CONCERNE LE BAIL A USAGE D’HABITATION

L'article 173 COCC permet également au juge, d'accorder des délais de grâce, suivant que les circonstances rendent difficile l'exécution du contrat par le débiteur.

Le COCC en son article 567 a institué un « Juge des Loyers ».

Sur cette question, le Magistrat et Secrétaire Général Adjoint du Gouvernement Papa Assane TOURE, a fait des développements de haute facture dans son ouvrage « LA RÉFORME DE LA COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS DU SÉNÉGAL commentée et annotée ». Il s’exprimait en ces termes, à la page 83 dudit ouvrage : « Ce texte à valeur législative semble avoir attribué un large domaine de compétence au président du tribunal de grande instance pour se prononcer sur les litiges « entre bailleur, locataire et sous locataire concernant les loyers ».

Il va sans dire que la voie reste ouverte en cette période de pandémie, pour les principaux concernés, de se prévaloir de ces dispositions.

De toute façon, le contentieux des Baux ne manquera pas d’occuper le Palais de Justice à la fin de cette crise.

Par ailleurs, l’article 7 du DECRET N° 2015 DU 03 AOÛT 2015 fixant la composition et la compétence des cours d’appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance, est un parent de l’article 567 COCC en ce qui concerne la compétence du Tribunal d’instance sur d’autres questions relatives aux Baux.

Cependant, faut-il préciser que les "délais..." ne concernent que l'exécution de l'obligation.

Quand bien même, une pareille situation pourrait empêcher l'expulsion dans ces cas de figure, il reste qu'un octroie de délais de grâce par le juge, se distingue du régime juridique de l'expulsion.

La CCJA en 2003 dans un Arrêt, aura déjà fait la part des choses sur la question des délais de grâce et celle liée à une demande d'expulsion.

Ø  PLAIDOYER POUR UNE ORDONNANCE PRÉSIDENTIELLE

De tout ce qui est exposé ci-dessus, il n’en demeure pas moins que le Président de la République du Sénégal pourrait donner un coup de pouce.

*POUR GARANTIR ET APPUYER LA JUSTICE DE PROXIMITÉ

En effet, les dispositions du COCC et de l’AUDCG ont grandement ouvert des vannes pour ce faire. Nous avons entre autres dispositions : Loi n° 84-12 DU 04 JANVIER 1984 reprise dans le COCC en sa Section II : Les baux à usage d’habitation (Article 567 : Compétence) : « Toute contestation (…) concernant les loyers est soumise au président du Tribunal de Première (« désormais Grande ») Instance ou au juge délégué par lui, A MOINS QUE LES TEXTES PARTICULIERS N’AIENT DONNÉ COMPÉTENCE AU JUGE DE PAIX ».

En ces périodes où toutes les cartes sont remises au Président, au moyen de la Loi d’habilitation, une retouche du COCC serait un bonus pour un « mieux » du consommateur sénégalais dans le cadre des Baux.

*POUR UN ALLÉGEMENT SUR LES OBLIGATIONS DU PRENEUR

L’AUDCG n’est pas en reste.

En effet, il admet la liberté contractuelle en son article 116 (Chapitre IV : LOYER) « (…) sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires applicables. »

C’est sans doute, parce que la question du logement est particulière, et particulièrement traitée dans chaque Société / Etat.

Le consommateur sénégalais a toujours porté son plaidoyer en ce sens.

Le Président de la République pourrait profiter de cette situation pour donner un support normatif adéquat à cette question, en raison de la complexité que devait subir sa procédure d’adoption en temps normal, mais aussi du coût économique que cela devrait avoir.

Il sera tout aussi nécessaire d’y mettre la communication qui sied.

De telles mesures devraient alléger le poids économique du consommateur en ces périodes sombres. Elles devraient également constituer une invitation à la solidarité des Bailleurs dans la lutte contre le Covid-19.

Il ne faudrait pas perdre de vue qu’avec le Covid, la crise sanitaire sera agrémentée : elle est « une hécatombe Economique » en devenir, si elle ne l’est déjà.

Cette fois-ci la perche est tendue au Chef de l’Etat. Il peut s’y pencher un tant soit peu.

Faute de mieux, ce contentieux du LOYER est inévitable, et à grande pompe.

Jean Gabriel M. SENGHOR

Juriste d’Affaires, Spécialisé en Contentieux

senghjeangabriel@gmail.com