Chronique d'une Pâques en situation d'état d'urgence.
Il semblerait qu’un arrêté préfectoral a anéanti l’espoir de plusieurs sénégalais de suivre la messe de veillée pascale de cette année, samedi 11 avril 2020, diffusée en direct sur une télévision de la place.
Même si beaucoup d’annonces ont été faites dans ce sens jusqu’aux dernières heures de ce samedi, des messages ont vite circulé pour informer de cette situation de dernière minute. Seulement, il fallait en douter. En effet, le circuit ne pouvait être bouclé parce que, pour beaucoup, une couverture, ne serait-ce que par au moins une télé relevait de l’évidence surtout en ce moment de confinement. Aussi, aux heures annoncées et devant des programmes qui ne faisaient aucune allusion à la fête de Pâques, les messages de vérification et de questionnement explosaient les boites de réception.
Cet état de fait est incompréhensible, car du côté des autorités de l’Eglise comme du côté de l’administration, une réflexion devait être menée depuis bien longtemps pour assurer une retransmission en restant dans la légalité. Il faudrait de part et d’autre qu’on ait le souci du peuple, afin que dans les questions d’urgence, on veille à l’équilibre et à l’équité pour éviter de créer des précédents.
Même si le Sénégal est un pays où le taux de pénétration mobile est à magnifier, il n’en demeure pas moins que les consommateurs sont loin d’être satisfaits sur le coût de l’internet qui est encore cher et également sur la couverture du réseau. Alors aucune importance si un bon débit est garantie pour la transmission et que les récepteurs soient laissés aux aléas de leurs téléphones, ordinateurs, et couverture réseau selon leur zone d’habitation. A cela devons-nous ajouter qu’il est plus aisé de dépenser des données mobiles dans les applications de communauté et d’échanges (Whatsap, Instagram, Facebook) plutôt que de suivre une célébration de plus d’une heure via son mobile. Nous n’avons pas tous 14GO/mois.
L’aspect pratique des choses voudrait même que l’ordinateur ou le téléphone soit relié à une télévision, sinon on est déjà dans le non-respect des mesures de distanciation (si c’est tout une famille qui doit suivre la messe en même temps). Et c’est clair que toute cette logistique nous n’en disposons pas dans chacune de nos maisons.
Qui devait s’en préoccuper ? L’église qui a suspendu très tôt les célébrations avec la communauté des fidèles ? L’Etat qui mobilise des milliards pour lutter contre le Covid-19, qui a instauré un couvre-feu, et qui multiplient les communiqués pour demander aux gens de rester chez eux ? Ou encore, le prêtre ou l’ingénieux fidèle ? Autant d’éléments qui rendent la chose incompréhensible.
Arrêté préfectoral ou problème d’organisation ?
Ce qui est plus difficile d’obtenir dans la programmation, c’est le temps d’antenne. Or, si l’on considère que des télévisions étaient prêtes à retransmettre une célébration avec une équipe déjà disponible, et qui malheureusement s'est vue empêchée de travailler à cause d’un « arrêté préfectoral », est-il plausible que tout l’engagement s’arrête face à la seule contrainte administrative ? Au niveau technique, il n’y avait-il pas d’autres possibilités ? Ah, il serait intéressant d’entendre les uns et les autres là-dessus.
Les tentatives de rattrapage d’une télé de la place, le même soir, nous confirme sur ces possibilités non exploitées.
Par ailleurs, l’on dirait que le décret du Cardinal Sarah n’a pas trop aidé dans ses lignes suivantes : « Les fidèles doivent être informés de l'heure du début des célébrations afin qu'ils puissent se joindre à la prière chez eux. Les moyens de communication télématiques en direct, non enregistrés, seront utiles ». L’interprétation des mots en évidence en a pris des couleurs. Nous le pensons sérieusement.
« L’arrêté préfectoral » est bien possible un samedi soir, avec d’ailleurs les nouvelles dispositions prises pour que le Palais ait les moyens de célérité de ses actions. Il doit, selon certaines sources, viser à surseoir à tous les directs et pour toutes les télés. On a du temps pour y voir plus clair.
Rappelons que depuis le samedi 14 mars, nous assistons à des mesures de lutte contre le covid 19 qui ont chamboulé le cours normal de nos activités (religieuses, professionnelles, économiques, d’enseignement etc.). Mais cela peut-il justifier que l’église du Sénégal soit prise au dépourvu ? Ce serait triste qu’une telle raison soit avancée vu qu’elle a été des premiers à adopter une posture de lutte contre le Covid 19 au point d’éviter bien avant l’Etat les rassemblements de foule.
Peu importe, notre détermination à revenir la dessus tient au fait que la télévision reste encore l’outil le mieux adapté pour la masse. Tous ne sont pas adeptes de l’internet parce que encore néophytes dans l’usage des smartphones ou tout simplement bloqués par des raisons économiques.
Ce constat de l’absence de la télévision a eu le mérite de ramener sur la table l’idée d’une « télévision catholique » ; terminologie dangereuse, quand on sait, que nous sommes dans un pays laïque et que le sens même de notre existence « Evangéliser » y perdra de sa substance (C’est tout un débat).
Il nous faut dans un Etat, comme le nôtre, arriver à exister en premier avec et à travers les moyens appartenant à tous, sur l’autorité bienveillante d’un Etat garant de l’équilibre et l’équité pour que chacun et tous à la fois se sentent fils du pays.
Christ est ressuscité ! Ceci est dans la foi chrétienne source d’une très grande joie dans le cœur du fidèle. Et cette semaine comme toutes celles qui suivront cette période de confinement et bien après, les fidèles catholiques auront à cœur de rendre parfaite cette joie de la Résurrection. Ce qui n’empêche pas que l’on s’interroge sur ces questions d’une grande importance. Car faudrait pas qu’on se voile la face. Par ces temps qui courent, il faut toujours avoir les moyens de sa « politique (pastorale) », non plutôt de sa communication _qui sous-tend en réalité toute action pastorale_. Et préciser qu’elle n’est pas qu’infrastructurel ou matériel… c’est tout une combinaison dans laquelle l’intelligence humaine, comme partout ailleurs, coiffe en excellant par l’échange et l’ouverture qu’impose la pluralité d’une équipe.
EzRa.
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