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Le Renouveau charismatique

Il s’agit d’un courant de renouveau spirituel né peu après à la fin du concile Vatican II, comme il y en eut d’autres au fil de l’histoire de l’Église : à l’époque de saint François d’Assise, mais aussi dans les Églises protestantes, avec ce qu’on a appelé les « réveils », ces périodes de redynamisation de la foi qui mettent l’accent sur la conversion personnelle et l’évangélisation.

Le Renouveau charismatique est d’ailleurs arrivé dans l’Église catholique par le pentecôtisme américain issu lui-même d’un « réveil » au début du XXe siècle. En contact avec des pentecôtistes, des étudiants de l’université catholique de Duquesne, à Pittsburgh (Indiana), vivent, au cours d’un week-end de retraite spirituelle organisée en février 1967, ce qu’ils appellent une « effusion de l’Esprit » ou « baptême dans l’Esprit Saint », qu’ils décrivent comme l’expérience d’une présence intense, et même sensible, de l’amour de Dieu pour eux. Ils se mettent à parler « en langues », à donner des paroles de prophétie… avec le sentiment fort de vivre ce que les apôtres ont vécu à la Pentecôte.

 Très vite, cette expérience « charismatique » – du grec « charisma », ou dons de l’Esprit Saint – se répand aux États-Unis et attire des milliers de chrétiens de milieux très divers (jusqu’à 60 000 participants aux assemblées dans les années 1970), y compris de l’étranger.

Des Français, notamment les futurs fondateurs de communautés nouvelles, rapportent cette expérience spirituelle atypique. Les premiers groupes de prière charismatiques apparaissent ainsi en France en 1971. Certains donneront naissance à des communautés charismatiques, qui, pour certaines, se sont bien établies dans l’Église (Emmanuel, Chemin-Neuf, Béatitudes, Fondacio, Puits de Jacob…), pour d’autres ont périclité ou été dissoutes (la Théophanie, le Pain de Vie, la Sainte-Croix…).

 En France, le Renouveau charismatique a pour particularité d’être passé en grande partie par ces communautés, alors qu’en Italie par exemple, il s’est répandu essentiellement à travers une association nationale et des groupes de prière dans les paroisses.

 

Comment le Renouveau charismatique catholique est-il né ?

 En 1967, des étudiants de l'Université catholique de Notre-Dame à Duquesne (Indiana) vivent une expérience d'effusion de l'Esprit Saint, une sorte de « pentecôte » avec glossolalie (parler en langues, décrit dans Ac 2, 6), paroles de connaissance et de prophétie, guérisons…

 Cette expérience « charismatique » (du grec charisma, don de l'Esprit) se répand aux États-Unis où plusieurs Français en font l'expérience, notamment le jésuite Laurent Fabre (aujourd'hui modérateur du Chemin-Neuf) et le dominicain Albert-Marie de Monléon (devenu évêque de Meaux).

 Dès 1970, à Paris et Lyon, naissent des groupes charismatiques. Ce « Renouveau » donne naissance à de nouvelles communautés mixtes, telle Word of God (Parole de Dieu), fondée dès 1969 à Ann Arbor (Michigan) par Ralph Martin et Steve Clarck.

 Cette période de fondations et de croissance rapide (de 1967 à 1975 environ) voit aussi la naissance de milliers de groupes de prière locaux. « Ce Renouveau spirituel ne serait-il pas une chance pour l'Église et pour le monde ? », lance Paul VI à la Pentecôte 1975, lors du 3e Congrès international du Renouveau charismatique rassemblant 12 000 personnes à Rome.

 Ce mot de « chance » sera vu comme une reconnaissance officielle de ce Renouveau, alors encore mal perçu dans l'Église.

 

Que recouvre exactement l’expression « effusion de l’Esprit » ?

C’est le cœur de l’expérience du Renouveau charismatique. Il ne s’agit en aucun cas d’un sacrement ni d’un second baptême, mais plutôt d’une appropriation consciente de la grâce reçue au baptême : autrement dit, une sorte de conversion qui donne la conscience d’une relation personnelle avec le Christ et de l’action agissante de l’Esprit Saint dans le monde.

Le pape François a d’ailleurs encouragé les membres du Renouveau, en juin 2015, à faire en sorte de la « partager à tous » dans l’Église. Cette « effusion de l’Esprit » donne lieu, la plupart du temps, à un goût nouveau pour la louange, pour la Parole de Dieu, pour les sacrements, pour la vie fraternelle, mais aussi à un appel pressant à témoigner de sa foi autour de soi. Cette expérience n’est pas nécessairement sensible mais s’accompagne souvent de dons ou charismes (prophétie, guérison, glossolalie ou capacité de parler dans différentes langues…)

Concrètement, « l’effusion de l’Esprit » se prépare généralement au long de plusieurs étapes, jusqu’à ce que le croyant se sente suffisamment prêt à remettre sa vie à l’Esprit Saint. Il demande à ses « frères » du groupe de prière de prier pour lui afin qu’il « reçoive l’Esprit ».

 

Comment le Renouveau est-il reçu dans l’Église ?

Ce courant est d’abord perçu comme une réponse à la prière du pape Jean XXIII qui avait appelé de ses vœux une « nouvelle Pentecôte ». Lors d’un Congrès international du Renouveau charismatique, qui rassemble 12 000 personnes à Rome, en 1975, son successeur, Paul VI le salue comme « une chance pour l’Église et pour le monde ». Dans la ligne du concile Vatican II, le Renouveau valorise en effet un engagement de tous les laïcs, égaux dans la pratique des charismes et l’évangélisation.

Mais ce mouvement foisonnant, un peu incontrôlable à ses débuts, suscite aussi des réticences voire l’hostilité de ceux qui y voient une surchauffe émotionnelle, s’agacent aussi de l’arrogance spirituelle de ces nouveaux convertis convaincus d’incarner l’avenir de l’Église. La plupart des communautés nouvelles traversent d’ailleurs des crises graves, marquées par diverses dérives, dont fait état entre autres le livre Les naufragés de l’Esprit(Thierry Baffoy, Antoine Delestre et Jean-Paul Sauzet, Seuil, 1996).

Il s’est aujourd’hui globalement institutionnalisé, certains évêques étant même issus directement de ses rangs (Michel Santier, à Créteil, fondateur de « Réjouis-Toi », Mgr Dominique Rey, à Toulon, Mgr Guy de Kérimel, à Grenoble, Mgr Yves Le Saux, au Mans, de l’Emmanuel,…). C’est aussi un lieu majeur de vocations sacerdotales et religieuses, de formation pour de nombreux laïcs engagés par ailleurs dans l’Église, mais aussi plus largement de créativité : le groupe de pop-louange Glorious, l’association Lazare pour les sans-abri ou les parcours Alpha, pour ne citer qu’eux, ont été influencés, dans leurs origines, par le mouvement charismatique.

Alors qu’il est entré dans une phase de maturation, le pape François a tenu à rappeler que le Renouveau est aussi, dès ses origines, « œcuménique ». C’est pour cette raison qu’il a tenu à inviter à ce jubilé des représentants des autres Églises, notamment pentecôtistes. C’est aussi pour cela que le grand rassemblement organisé en cette vigile de Pentecôte, samedi 3 juin, ne se tiendra pas sur la place Saint-Pierre, mais dans un lieu choisi pour être plus œcuménique, au cirque Maxime, théâtre des premiers martyres chrétiens, au temps où il n’y avait qu’une Église.

 

Quelles ont été les étapes de son développement ?

 Suit alors un temps d'enracinement et d'approfondissement des charismes reçus. En France, une période d'organisation et de structuration (de 1976 à 1998 environ) voit les communautés entamer des démarches de reconnaissance de leurs statuts, de passation de pouvoir entre les fondateurs et la génération suivante.

De même, les 1 800 groupes de prière (15 participants en moyenne) mettent en place les « Fraternités Pentecôte » (équipes de coordination régionales) qui regroupent les « bergers » (responsables de groupes).

Une « Instance de communion », rassemblant des représentants des communautés et des Fraternités Pentecôte, ainsi qu'une assemblée générale du Renouveau sont créées, sous la responsabilité du Conseil épiscopal pour les mouvements et associations de fidèles. Groupes et communautés organiseront ensemble le rassemblement de 20 000 personnes au Bourget à la Pentecôte 1988.

Ce « réveil » dans l'Église catholique fait émerger divers ministères de guérison (tels ceux du P. Emiliano Tardif, décédé en 1999) et de prédication (Kim Kollins, RanieroCantalamessa…). C'est à partir de ces années également que des « stars »évangéliques commencent à venir prêcher en France : Billy Graham remplit le Palais omnisports de Paris-Bercy en 1986, et T. L. Osborn déplace des dizaines de milliers de personnes à Vincennes en 2006.

 

Que représente-t-il aujourd'hui en France ?

 Avec quatre évêques directement issus de ses rangs - Michel Santier (fondateur de la communauté Réjouis-Toi à Coutances, aujourd'hui évêque de Créteil) ; Dominique Rey (Fréjus-Toulon), Guy de Kérimel (Grenoble) et Yves Le Saux (Le Mans) venant de l'Emmanuel -, le Renouveau est désormais reconnu et intégré dans le paysage ecclésial national.

Dans sa mouvance, de multiples initiatives ont été lancées : en pastorale (liturgie, aumôneries…), dans l'humanitaire (solidarité avec le tiers-monde, accueil des pauvres, des drogués, des malades du sida), la formation (écoles d'évangélisation), les médias (radios, édition, Internet), l'expression artistique, etc.

Cependant, les groupes de prière voient leurs effectifs diminuer et vieillir, et leurs charismes s'éteindre.

Parallèlement, la plupart des communautés charismatiques ont traversé - ou traversent toujours - des crises graves, avec départ du fondateur (ainsi aux Fondations pour un monde nouveau, en 1991) ou de plusieurs responsables (au Chemin-Neuf en 1995-1999), ou encore avec divisions entre fondateurs (Verbe de Vie en 2002-2003), voire avec des scandales internes (Béatitudes).

 

Quels sont ses principaux apports ?

 Selon Mgr Guy Gaucher, évêque auxiliaire émérite de Bayeux-Lisieux, « le grand apport du Renouveau restera d'avoir redécouvert la grâce du baptême et d'avoir rappelé que les différentes vocations ne peuvent être séparées les unes des autres ».

En favorisant une relation d'intimité personnelle avec le Christ, le Renouveau charismatique met également l'accent sur l'articulation entre raison et coeur, sur la recherche de la sainteté et sur la vie fraternelle.

Ayant d'emblée été vécu en parallèle dans les Églises protestantes et catholique, il a contribué au rapprochement oecuménique, en ayant à coeur de poser des actes de réconciliation telles les Montées à Jérusalem, lancées par le pasteur Thomas Roberts en 1983, et les Veillées oecuméniques, alternativement dans des lieux de culte catholiques, protestants et orthodoxes.

Après les deux rassemblements oecuméniques charismatiques de Strasbourg en 1982, au niveau européen, puis du stade Charléty à Paris en 1999, cet oecuménisme charismatique s'est un peu essoufflé. Mais il redémarre avec ce que l'on appelle la « troisième vague » du Renouveau.