Image

LA FAMILLE FACE AUX DEFIS DE LA MODERNITE

Depuis une cinquantaine d’année, la famille définie comme une « communauté de vie et d’amour » qui unit dans ses liens un père, une mère des enfants, la parenté, a subi des mutations, tant dans sa morphologie que dans les conceptions qui l’entourent et qui l’entretiennent. D’aucuns pensent qu’il faut renoncer à définir la famille du fait de la disparition des déterminants traditionnels : recul du mariage, déclin du modèle mère au foyer, baisse de la fécondité…De nouveaux visages familiaux apparaissent : la cohabitation hors mariage, des familles monoparentales, les familles recomposées, sans compter les formes toutes nouvelles de familles qui revendiquent reconnaissance et visibilité : les familles dites « homoparentales ».

«LA FAMILLE FACE AUX DEFIS DE LA MODERNITE. »

Ainsi libellé, notre thème s’ouvre sur deux orientations possibles. Nous pouvons entendre le terme « défi » comme quelque chose qui est à relever. Alors il serait bon de déterminer dans notre propos les objectifs à atteindre et qui concernent la famille. Peut-être ce sera l’objet d’une autre rencontre.

Et si le « défi » s’entend comme quelque chose à éradiquer, un obstacle à éviter, alors il serait intéressant pour nous de faire une analyse des changements négatifs intervenus depuis une cinquantaine d’année et qui séparent les bases de l’institution familiale. Nous nous inscrivons dans cette dernière perspective.

Ainsi s’agira-t-il, dans notre exposé, de parler des changements récents concernant la famille, c’est-à-dire les différentes disjonctions intervenues dans les conceptions qui tiennent l’institution familiale.

Les changements récents concernant la famille

La famille est le lieu où s’articulent quatre notions importantes qui sont : la conjugalité, la parenté, la filiation et la parentalité.

La conjugalité est le propre du couple. « Conjugalité » et « couple » ont des origines voisinent et portent le même sens= conjugalité vient de « con-jugium » qui signifie « joug commun », lien. Couple de « copula » qui signifie également lien.

La notion de « parentalité », quant à elle, désigne un ensemble de fonctions à la différence de celle de « parenté » qui désigne le fait d’être parents, au pluriel (Père, Mère) et qui pose nécessairement la question du lien. Nul n’est parent tout seul. Alors que la parentalité peut s’exercer seul ! S’il est utile, pour des raisons de précisions, de distinguer ces notions qui décrivent les liens au sein de la famille, il est capable. Or ce qui est courant aujourd’hui, c’est la disjonction entre ces quatre notions. Les conséquences de cette disjonction seront nombreuses :

                        Le « couplisme »

Il réduit tout au couple, fermé sur lui-même, sur son amour, ses plaisirs, son bien-être. De plus en plus, des jeunes décident de vivre en couple sans qu’il ne soit question de mariage, encore moins d’avoir des enfants. Tout est fait pour les éviter à l’aide des moyens de contraception. Il règne dans ce couple un certain romantisme qui réduit l’amour au sentiment. On en parle en termes de « passion » et la durée du couple dépend de son intensité. Si elle grandit le couple survit et si elle s’affaiblit le couple meurt de sa belle mort. Cette relation ne vaut d’être maintenu que si elle apporte aux partenaires le bonheur étendu.

                      Le  fondement de la famille n’est plus le mariage

Mais la filiation. Ce qui fait dire à Irène THERY : « Ce demi-siècle identifie la famille à partir de l’enfant et non plus à partir du couple. »En effet, dans plusieurs cas, la filiation est première avant que la situation matrimoniale soit régularisée. N’est-ce pas là une manière apparente de fonder la famille sur l’enfant. Ce qui n’est pas sans poser problème car comment, en effet, l’engagement parental peut-il tenir s’il n’y a pas au préalable, un engagement conjugal ?

La disjonction qui se produit ici est à même de mettre la famille ou plus exactement l’avenir des enfants dans une situation précaire. Xavier LACROIX le note si bien : « Reconnaître un enfant c’est s’engager envers lui, mais que vaut un tel engagement si on laisse ouverte l’hypothèse de la précarité du couple, c’est-à-dire la possibilité qu’à plus ou moins long terme l’un des deux contractants soit séparé de lui ? »

                        La banalisation du divorce :

Elle dénote d’un certain mépris de l’institution matrimoniale et des responsabilités qu’elle implique. S’il est vrai qu’il existe des situations familiales non vivables qui obligent certains au divorce, il n’en demeure pas moins que celui-ci apparaît de nos jours comme la solution de facilité face aux difficultés du couple. Or cette solution opère une double fragilisation du lien de la famille : la fragilisation du lien conjugal et fragilisation du lien parental.

De l’avis de beaucoup, le « couple parental » pourrait survivre au « couple conjugal ». Mais cet avis ne résiste pas à l’analyse lorsqu’on regarde au plus près la « vie morcelée » que le divorce impose aux enfants : « …Dans 85% des cas, l’enfant est confié à la garde de la mère. C’est bien la paternité qui est la principale victime de la fragilisation du lien conjugal […] Le père est le « fusible » qui saute au premier court-circuit. […] La paternité vécue dans l’absence ou par l’intermittence est une paternité amputée. » De plus, même si « l’absence de la mère vide le monde, son omniprésence le supprime ».

                       L’individualisation de la relation parentale

Diverses raisons sont à l’origine de cette situation : le travail qui éloigne un membre du couple et cela dans la durée, l’immigration, les divorces ou ruptures volontaires, le décès du conjoint, sa désertion, les naissances hors union… A ces situations de vie dites traditionnelles, il faudra désormais ajouter la conception toute nouvelle de la famille fondée sur la filiation. Si dans les premiers cas, il s’agissait généralement de mères ayant des enfants mineurs à leur charge dans des contextes de pauvreté et qui étaient contraintes de déléguer leur éducation aux grands-parents, dans cette nouvelle conception, les enfants sont voulus et leurs mères capables de les prendre en charge.

Cette dernière établit une disjonction entre la parenté et la parentalité. Comme nous l’avons dit plus haut, alors que la parentalité peut-être perçue de manière individuelle, la parenté au contraire suppose l’existence de deux parents : un père et une mère.

Le fait que le mot « parentalité » semble ravir la vedette au mot « parenté » témoigne du développement de l’expression : « famille monoparentale ». En effet, les foyers dirigés par un parent seul connaissent une augmentation accrue et une visibilité de plus en plus grande.

                        La politisation de la question homosexuelle :

Il est observé, depuis quelques années, une réelle détermination chez les personnes homosexuelles à revendiquer le renouvellement des discours sur l’homosexualité, la fin des discriminations et une égalité de traitement. Sur le champ politique et social, la question homosexuelle joue désormais un rôle subversif et critique : subversif par rapport aux représentations culturelles de sexes et de genre ; critique quant à l’ordre social et au statut de la norme en matière de sexualité. Ce qui est revendiqué, c’est l’ouverture de « mariages » aux couples homosexuels (le fameux mariage pour tous), le droit à l’adoption et à la Procréation Médicalement Assistée.

- L’accès au mariage civil : pour certains, il s’agit là d’une réelle remise en cause de l’ordre social et de sa dimension symbolique, celle de « l’institution » matrimoniale structurée autour de la différence des sexes (qui unit un homme et une femme). Cette demande semble être motivée d’une part, par le fait qu’il existe, de nos jours plusieurs couples pacsés qui vivent de façon stable. Faudrait-il les constater ou les consacrer ? D’autre part, ces derniers estiment qu’ils ne jouissent pas des mêmes droits que les couples hétérosexuels.

 - Le droit à l’adoption : deux situations sont à considérer dans cette demande : la première qui concerne l’adoption de l’enfant du partenaire. Il s’agit de l’adoption simple qui, lorsqu’elle est accordée, fait perdre l’exercice de l’autorité parentale à la mère ou au père par le sang. La deuxième concerne l’adoption par un couple homosexuel d’un enfant totalement étranger au couple.

 

 - La Procréation Médicalement Assistée : elle est une pratique qui vise à concevoir un enfant sans rapport sexuel. Elle permet la rencontre des gamètes (spermatozoïdes et ovules) dans une éprouvette et de transférer l’embryon issu de cette rencontre dans l’utérus de la mère. Le recours à cette pratique s’inscrit en droit dans une perspective thérapeutique lorsqu’un couple hétérosexuel en âge de procréer en est empêché du fait de la stérilité pathologique d’un des partenaires. Pour les homosexuels, deux cas de figures se présentent : soit le couple lesbien fait appel à un donneur de spermes, soit le couple homosexuel fait recours à une mère porteuse. Il s’opère ici, non seulement la séparation entre sexualité et procréation, mais sont aussi posés d’autres problèmes éthiques comme le stockage des embryons, le bien de l’enfant qui a besoin d’un père et d’une mère pour s’identifier.

 

L’exigence d’égalité que réclament les couples homosexuels s’inscrit dans une perspective universaliste dans laquelle le juridique apparaît comme un critère d’appréciation. Ce qui frappe dans cette situation, ce sont la fuite des questions portant sur le sens sexualité et le repli sur des logiques procédurales qui se contentent de régler le comment sans quoi, ni pourquoi.

Dans les situations homoparentales d’adoption ou de recours à l’aide médicale à la procréation, le foyer est uniquement masculin ou féminin. Il ne s’agit pas seulement pour deux hommes ou deux femmes d’élever ensemble un enfant, d’exercer des fonctions parentales, relevant du registre de la parentalité, mais d’obtenir un statut de parents, relevant du registre de la parenté : « Lorsque les couples homosexuels revendiquent la reconnaissance d’une position parentale pour chacun (e) des deux membres du couple, ce n’est pas seulement une fonction de parent dons ils demandent la reconnaissance (« nous sommes d’aussi bons parents que les autres »), mais la proclamation de leur fonction de parentalité de leur accord de couple qui ne passe plus par la complémentarité sexuelle, miroir de la complémentarité de l’engendrement. Ils ne nient pas la différence de sexe, ne nient pas l’existence de différenciée du féminin et du masculin, mais refusent de la prendre comme seule base du désir de la sexualité, de la famille…de l’alliance et de la filiation. Ils délient complétement sexualité et procréation familiale comme lien privilégié d’expression de la complémentarité sexuelle… ou de la domination masculine. »